La circoncision est considérée comme étant l’un des sujets les plus controversés au monde, et ce à plusieurs niveaux aussi bien religieux que sociaux, juridiques et médicaux, dont nous discutons en détail dans nos cours en ligne. Mais je vais parler dans les lignes qui suivent d’un sujet aussi épineux touchant cette fois la relation – disons tendue – entre professionnels de la santé sur la question de « l’appropriation » de la circoncision, c’est-à-dire celui qui peut ou doit la réaliser selon « les normes et les lois » en vigueur. De nombreux confrères chirurgiens peuvent protester contre le sujet de cet article car ils le considèreront comme hors de propos ou une violation flagrante d’un travail chirurgical qui relève de leur seule compétence et donc ne peut même pas être un sujet de débat ou de controverse. Et je partage leur avis,… en partie…
Il ne fait aucun doute que la circoncision est une opération chirurgicale, même si on parle ici de petite chirurgie. Et c’est donc au chirurgien – spécialiste en urologie ou en chirurgie pédiatrique notamment – qu’il faut confier, avec ses différentes étapes de préparation, de réalisation et par la suite de surveillance de son évolution… du moins en théorie. Mais voici ce qu’on constate dans la vraie vie :
👉 Il y a une forte demande pour la circoncision qui dépasse chaque année des centaines de milliers d’enfant dans un pays musulman à densité de population moyenne, car la plupart de ces circoncisions dans les pays musulmanes et même non musulmanes sont réalisées pour des raisons religieuses ou culturelles (le nombre des naissances masculines au Maroc en 2020 a dépassé 330.000 enfants). Et uniquement un tout petit pourcentage qui reste de l’apanage du thérapeutique.
👉 Dans nos contrées, il existe indéniablement un manque de spécialités chirurgicales pouvant subvenir à toute cette demande croissante en circoncision, notamment la chirurgie pédiatrique et l’urologie, qu’on souhaite qu’elles puissent faire face au moins aux pathologies respectives qui leur sont dédiées.
👉 N’oublions pas n’en plus que la plupart des chirurgiens spécialistes refusent de pratiquer la circoncision « rituelle » dans les pays non musulmans ou dans ceux où la culture de la circoncision n’est pas répandue ou acceptée, malgré la présence d’une importante communauté acceptant la circoncision… Qu’elle sera donc l’alternative pour ces gens dans le cadre du respect de l’autre, de ses croyances et de ses choix ?
👉 Une partie non négligeable de la population n’a pas les moyens pour s’offrir une circoncision rituelle chirurgicale en bonne et due forme.
D’autre part, on peut parfaitement faire appel à d’autres professionnels de santé qui sont déjà actifs sur le terrain, et pouvant parfaitement réaliser la circoncision sans qu’ils soient chirurgiens et sans avoir recours aux techniques de chirurgie proprement dites. Il suffit uniquement d’une petite formation théorique et pratique ne demandant que quelques mois pour devenir suffisamment compétent afin d’exploiter quelques techniques chirurgicales ou instrumentales simples ayant déjà fait leurs preuves dans de nombreux pays musulmans et non musulmans pratiquant la circoncision dite rituelle. Bien sûr, la formation ne doit pas se limiter à la maitrise de l’opération elle-même, mais doit se pencher sur tous les aspects liés à la circoncision, tels que les conditions devant être réunies avant sa réalisation comme la recherche des malformations (entre autres), l’hygiène, le bilan biologique, l’anesthésie locale, les éléments de la prévention primaire, mais aussi l’après circoncision pour ce qui est de la surveillance de la cicatrisation de la plaie, la détection des premiers signes de complications, comment les éviter, comment les prendre en charge par soit même ou par une personne tierce qualifiée, etc…
Cela va nous permettre d’éviter un maximum de problèmes qui surviennent quand des personnes non qualifiées s’attaquent à la circoncision comme s’il s’agit de couper des ongles. Tout en sachant que les complications peuvent apparaitre qu’on soit compétents ou pas…
N’oublions pas aussi qu’il existe une autre catégorie de « professionnels » de la circoncision qu’on doit résoudre leur situation afin d’améliorer la qualité de la prise en charge de nos enfants qui seront circoncis : il s’agit bien évidemment des circonciseurs traditionnels appelés aussi dans nos contrés HAJJAMA ? Faut-il les interdire, les former ? Est-ce possible ? En tout cas, ils sont déjà là avant même l’apparition des procédures médico-chirurgicales modernes. Il ne faut donc pas se voiler la face, puisque la plupart des problèmes liés à la circoncision viennent de ces gens qui travaillent souvent dans des conditions non hygiéniques, avec des techniques ancestrales, sans aucun suivi post-circoncision, … Je ne suis pas partisan des circonciseurs traditionnels, mais je veux seulement dire que leur problème doit être résolu par les autorités tutélaires à travers une approche tenant compte des considérations sanitaires, économiques, sociales et culturelles qui sont intimement liées à ce sujet épineux de la circoncision traditionnelle.
J’espère que nos confrères chirurgiens appréhendent cette situation particulière de la circoncision, et qu’ils prennent la peine de faire partie de la solution et non du problème, en participant à organiser par exemple des stages de formation à la circoncision au profit des médecins (au moins) – avec la participation et sous la supervision des autorités sanitaires – durant lesquels les participants apprennent et maitrisent les principales connaissances théoriques et techniques nécessaires pour faire de la circoncision un procédé efficient et sûr, et pour permettre à chaque mère et à chaque père de savourer et de célébrer comme il se doit leur petit enfant.
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